miércoles, 6 de abril de 2011

Audios Zapatistas



Vous trouverez ici toute une série d'audios en lien avec l'ezln:

Interview de Marcos de 1994 à 2013
Programme radio, la jungle des luttes, Du Chiapas à l'intergalactique
Audios de André Aubry, le zapatisme de A à Z
Hymne Zapatiste

Chanson de la Deuxième Génération des Insurgés EZLN

Audios de André Aubry


Le zapatisme de A à Z par André Aubry. Partie 1


Qui mieux qu'André Aubry, Anthropologue français, spécialiste du Chiapas. Vous trouverez ici une interview complète de ce dernier présentant le mouvement zapatiste de ses origines à l'Autre Campagne!

Cette interview s'est réalisée en mai 2006, via  
Intégrale d’une interview de l’anthropologue André Aubry, spécialiste du Chiapas, réalisée en mai 2006 dans sa maison de San Cristobal.

Le far west mexicain - 9’
 

Un changement de société à partir d’en bas - 16’
 

Après le feu, la parole - 16’30)
 

Un nouveau contrat social - 9’
 

Il y a un autre Mexique - 11’30
 
Le far west mexicain (Durée du son : 9’)
L’arrivée à San Cristobal - Le Chiapas dans les années 1970 - La mutation des années 1980.
Un changement de société à partir d’en bas (Durée du son : 16’)
L’exode paysan et la conquête de la selva - L’arrivée de Marcos - Les réfugiés guatémaltèques - Les prémisses d’une nouvelle société - La lutte armée - 1994, la prise de San Cristobal - De la guerre à la trêve - Le zapatisme civil - Le réenchantement du monde - L’ouverture d’un dialogue.
Après le feu, la parole (Durée du son : 16’30)
Le vieil Antonio - La trêve et le dialogue - Mobilisation de la société civile - Le dialogue de la cathédrale - La rupture - La seconde déclaration de la selva - La convention nationale démocratique - L’échec d’un second dialogue - Vers les accords de San Andrès
Un nouveau contrat social (Durée du son : 9’)
Les accords de San Andrès - Le problème, ce n’est pas l’indigène - La libre détermination - Le silence - La simulation du pouvoir politique - Les deux marches - L’application des accords par l’EZLN.
Il y a un autre Mexique (Durée du son : 11’30)
Les ministères zapatistes - Les succès - Les conseils de bonne gouvernance - L’autre campagne et l’information bloquée



Partie 6
 

Partie 7
 

Partie 8
 
Partie 6 - Les offensives civiques (Durée du son : 16’)
La première déclaration de la selva - Les thèmes - La troisième déclaration et l’anniversaire de 1994 - La quatrième - La cinquième, 1998 - Hommage à la voie pacifique - La sixième déclaration - Les marches pacifiques - Les caracoles - L’existence d’un autre Mexique - L’autre campagne - Marcos et les médias - Les offensives civique de l’Autre campagne.
Partie 7 - Le réveil des femmes (Durée du son : 11’30)
Marcos et Andrès Manuel Lopez Obrador - Les zapatistes et les femmes - Les femmes aux premiers postes - La commandante Ramona
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André Aubry dans sa maison de San Cristobal © Alain Devalpo
Partie 8 - La bonne gouvernance (Durée du son : 10’)
Le zapastisme reste un laboratoire social - La bataille d’Atenco - Les conseils de bonne gouvernance - Les réussites éducatives - La sortie de la misère

Le Zapatisme 2012-2014



21 décembre 2012, la marche silencieuse:

Retour sur la marche silencieuse des 40 000 indiens le 21 décembre 2012, date de la "fin du monde" le 13 Baktun selon le calendrier maya, et début d’une nouvelle ère de la lutte zapatiste:

Après six années de silence, tout "recommença" le 21 décembre 2012 où, pendant une dizaine d’heures, des milliers d’indiens masqués défilèrent dans un silence solennel, de manière ordonnée et pacifique, dans les rues d’Ocosingo, Las Margaritas, Palenque, Altamirano et San Cristobal de las Casas :
Communiqué de l'EZLN distribué.
"Votre monde va s'effondrer le notre est en train de ressurgir"
Vidéo

Communiqué de SCI Marcos et de la Comandancia


Suite à cette mobilisation massive de la fin du mois de décembre 2012, le Sous-commandant Insurgé (SCI) Marcos diffusa au premier semestre 2013 une série de communiqués appelés "Eux et nous" : I ; II ; III ; IV V ; VI ; VII



Il s’est agi d’un appel à constituer un réseau global des luttes, qui s’appellerait "la Sexta", en référence à la sixième Déclaration de la forêt lacandone qui avait marqué le début de l’Autre Campagne en 2006.


La Petite Ecole Zapatiste


L’initiative des "petites écoles zapatistes" fut lancée dès le mois d’août 2013, et la première petite école eut lieu au Chiapas, avec la participation de plus de 1500 personnes. En décembre, les familles zapatistes renouvelèrent leur invitation aux visiteurs pour partager leur quotidien pendant une semaine et l’on compta près de 5000 participants venus apprendre des zapatistes.

Les petites écoles zapatistes I ; II ; III ; IV ; V ; VI ; VII ; VIII ; IX ; X ; XI

Différents manuels ont été donnés aux élèves, vous pourrez les retrouvez ci-dessous en espagnol et pdf:
Gobierno Autónomo I, 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7
Gobierno Autónomo II, 1; 2; 3; 4
Participación de las mujeres en el gobierno autónomo 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7
Resistencia Autónoma 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9

Vous trouverez ensuite une série de communiqués appelés "Votan" publiés en juillet 2013 pour compléter les communiqués sur l'Escuelita:  Votán I ; II ; III ; IV

Vous pourrez retrouver ici une double vidéo présentant la Escuelita.


Nouveaux Communiqués EZLN


Quelques communiqués préalables aux 20 ans du soulèvement Zapatiste,au 1er janvier 2014: (traductions en français issues du site La voie du jaguar)

 Quand les morts se taisent à haute voix
Rembobiner 2 : De la mort et autres alibis
 Rembobiner 3

Acciones Espoir Chiapas

ACCIONES ESPOIR CHIAPAS

 Sociedad Civil Las Abejas: (Altos de Chiapas) : Apoyo a la area de salud en la creacion de un sistema autonomo, apoyo a la cooperativa de mujeres y café, informacion, denuncias, defensa de los derechos humanos, apoyo punctual segun las necesidades.

Caracoles Zapatistas: Apoyo punctual a las Juntas de Buen Gobierno, Informacion, denuncias.


Albergue de migrante de Arriaga: Entrega de ropas, calcetines y zapatos, apoyo medical punctual, difusion y sensibilizacion en Chiapas y en Francia sobre la migracion centroamericana


Comunidad de la costa: (pacifico) Entrega de material escolar, prevencion sobre los riesgos del ecoturismo, apoyo medical


Defensa de los derechos humanos: Acciones de protesta, manifestaciones, brigadas de observaciones civiles, difunsion de comunicados, mobilisaciones...






Escuelita Zapatista

Voici un reportage réalisé par des jeunes femmes et hommes zapatistes qui racontent leurs expériences d’autonomie dans la santé, l’éducation, la justice, l’agriculture, la radio communautaire, les coopératives d’artisanat, les productions de café, de maïs, l’élevage, l’organisation politique et économique. On y voit des jeunes, des anciens, des autorités, hommes et femmes des cinq Caracoles et des 29 municipalités autonomes zapatistes, qui racontent chacun depuis leur communauté ou municipalité le fonctionnement de leurs projets autonomes. On y trouvera un bilan réalisé par les zapatistes dans un effort pour chiffrer et nommer les avancées mais aussi les limites de ce processus politique.

La Sixième Déclaration de la Forêt Lacandon et l'Autre Campagne




(Texte Cscpl)
Le 19 juin 2005, l’EZLN décréta une alerte rouge dans toutes les communes rebelles ; les autorités autonomes passent à la clandestinité, les Caracoles sont fermés. Dans les jours qui suivent, on apprend qu’une consultation de toutes les communautés zapatistes est entreprise. Cette dernière, approuvée, engage les zapatistes vers un nouveau cap, annoncé dans la Lettre de l’EZLN à la société civile.



Début juillet sort la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone, qui fait le bilan de la lutte zapatiste, analyse la situation du Mexique et du monde, et conclut à la nécessité d’élargir le mouvement à d’autres secteurs de la société (ouvrier-e-s, paysan-ne-s, étudiant-e-s, enseignant-e-s, associations de quartier, etc.).

Durant tout le mois d’août et jusqu’à la mi-septembre ont lieu dans le territoire rebelle une série de rencontres avec différents secteurs de la société mexicaine. Elles ont pour but de définir ce que doit être l’Autre Campagne et ce qu’elle ne doit pas être. Peu après, le 16 septembre 2005, se tient la première session plénière de l’Autre Campagne, lors de laquelle sont annoncés les voyages du sous-commandant Marcos, à partir du 1er janvier 2006, dans tout le Mexique, puis d’un certain nombre de commandants et de commandantes, à partir de septembre [2006], pour une durée de six mois. La sortie du sous-commandant Marcos doit permettre aux participants de l’Autre Campagne d’écouter l’histoire des luttes de chacun et de chacune, d’exprimer leur point de vue pour ceux qui n’ont pas pu se rendre à la réunion plénière, et surtout de préparer les sorties suivantes d’autres délégations de l’EZLN.
Le périple du délégué Zéro, comme se dénomme Marcos, ne doit pas être vu comme étant toute l’Autre Campagne mais seulement comme la participation de l’EZLN à celle-ci.

Lire la Sixième Déclaration de la Forêt Lacandon
C'est quoi L'autre Campagne?
Voir la vidéo Viva Mexico (2* vidéo)
Dossier spécial CSPCL


Déclarations Zapatistes



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Troisième Déclaration de la Foret Lacandone

Troisième déclaration de la forêt Lacandone

mercredi 3 janvier 1996

Traduction Effectuée par le CSCPL

TROISIÈME DÉCLARATION DE LA FORÊT LACANDONE

Un an après le soulèvement zapatiste, nous disons aujourd’hui :
La patrie vit ! Et elle nous appartient ! Nous avons été malheureux, c’est vrai ; la chance nous a souvent été défavorable, mais la cause du Mexique, qui est la cause du droit et de la justice, n’a pas succombé, n’est pas morte et ne mourra pas, parce qu’il existe encore des Mexicains courageux dans le cœur desquels brûle le feu sacré du patriotisme et, quel que soit l’endroit de la République où ils se trouvent, les armes et le drapeau national à la main, il existera, comme ici, vif et énergique, le refus que le droit oppose à la force.
Que l’homme imprudent qui a accepté la triste mission d’être l’instrument de la mise en esclavage d’un peuple libre le comprenne bien : son trône vacillant ne repose pas sur la libre volonté de la nation, mais sur le sang et les cadavres de milliers de Mexicains qu’il a sacrifiés sans motif, pour la simple raison qu’ils défendaient leur liberté et leurs droits.
Mexicains : vous qui avez le malheur de vivre sous la domination de l’usurpation, ne vous résignez pas à supporter le joug d’opprobre qui pèse sur vous.
Ne vous méprenez pas sur les perfides allusions des partisans des faits accomplis, parce qu’ils sont, et ont toujours été, les partisans du despotisme.
L’existence du pouvoir arbitraire est une violation permanente du droit et de la justice, que ne peuvent jamais justifier ni le temps ni les armes, et qu’il est nécessaire de détruire pour l’honneur du Mexique et de l’humanité.
MANIFESTE : DEBOUT ET AUSSI RÉSOLUS QU’AU PREMIER JOUR. Benito Juárez, janvier 1865, Chihuahua.
Au peuple du Mexique.
Aux peuples et gouvernements du monde.
Frères,
Le 1er janvier 1994, nous faisions connaître la Première Déclaration de la forêt Lacandone. Le 10 juin 1994, nous avons lancé la Deuxième Déclaration de la forêt Lacandone. L’une et l’autre étaient motivées par la volonté de lutter pour la démocratie, la liberté et la justice pour tous les Mexicains.
Dans la première, nous avons appelé le peuple mexicain à se soulever en armes contre le mauvais gouvernement, principal obstacle dans la marche de notre pays vers la démocratie. Dans la deuxième, nous avons appelé les Mexicains à un effort civil et pacifique, par l’intermédiaire de la Convention nationale démocratique, pour obtenir les profonds changements que demande la nation.
Alors que le gouvernement suprême montrait sa déloyauté et sa superbe, nous, entre ces deux manifestes, nous sommes efforcés de faire voir au peuple mexicain, notre support social, le bien-fondé de nos demandes et la dignité qui anime notre lutte. Nos armes alors se sont tues et se sont écartées, pour que la lutte légale démontre ses possibilités... et ses limites. À partir de la Deuxième Déclaration de la forêt Lacandone, l’EZLN a tenté, par tous les moyens, d’éviter la reprise des hostilités, et a cherché une issue politique, digne et juste, qui permette d’apporter une réponse aux demandes exprimées dans les onze points de notre programme de lutte : logement, terre, travail, alimentation, santé, éducation, justice, indépendance, liberté, démocratie et paix.
Le processus préélectoral d’août 1994 a apporté l’espoir, dans de vastes secteurs du pays, que la transition démocratique était possible par la voie électorale. Sachant que les élections ne sont pas, dans les conditions actuelles, le chemin du changement démocratique, l’EZLN a commandé en obéissant et s’est effacée pour permettre aux forces politiques légales d’opposition de lutter. L’EZLN a alors engagé sa parole et ses efforts dans la recherche d’une transition pacifique vers la démocratie. À travers la Convention nationale démocratique, l’EZLN a appelé à un effort civil et pacifique qui, sans s’opposer à la lutte électorale, ne s’y épuiserait pas et chercherait de nouvelles formes de lutte capables d’impliquer davantage de secteurs démocratiques au Mexique et de tisser des liens avec des mouvements de lutte pour la démocratie d’autres parties du monde. Le 21 août a mis fin aux illusions d’un changement immédiat par la voie pacifique. Un processus électoral souillé, immoral, inéquitable et illégitime, s’est achevé en nouveau pied-de-nez à la juste volonté des citoyens. Le système du parti-État a réaffirmé sa vocation antidémocratique et imposé, partout et à tous les niveaux, sa volonté arrogante. Face à une participation électorale sans précédent, le système politique mexicain a opté pour l’autoritarisme, coupant court aux espoirs que suscitait la voie électorale. Des rapports de la Convention nationale démocratique, de l’Alliance Civique et de la Commission pour la vérité ont mis en lumière ce que cachaient, avec une honteuse complicité, les grands médias : une fraude gigantesque. Les multiples irrégularités, l’iniquité, la corruption, le chantage, l’intimidation, le vol et la falsification, ont été le cadre dans lequel se sont déroulées les élections les plus sales de toute l’histoire du Mexique. Les taux élevés d’abstention des élections locales de Veracruz, Tlaxcala et Tabasco, démontrent que le scepticisme civil régnera de nouveau au Mexique. Mais, non content de cela, le système du parti-État a renouvelé la fraude d’août, en imposant des gouverneurs, des maires et des parlements locaux. Comme à la fin du XIXesiècle, lorsque les traîtres organisèrent des "élections" pour légitimer l’intervention française, on prétend aujourd’hui que la nation salue, avec bienveillance, la continuité de la contrainte et de l’autoritarisme. Le processus électoral d’août 1994 est un crime contre l’État. C’est en tant que criminels que doivent être jugés les responsables de cette fraude.
D’un autre côté, le gradualisme et le renoncement apparaissent dans les rangs de l’opposition, qui accepte de voir dissoudre une grande fraude en multitude de petites "irrégularités". Voici qu’apparaît à nouveau la grande fracture dans la lutte pour la démocratisation au Mexique : prolongation de l’agonie par le pari sur une transition "sans douleur" ou coup de grâce dont l’éclat illumine le chemin de la démocratie.
Le cas du Chiapas n’est que l’une des conséquences de ce système politique. En ne tenant aucun compte des aspirations du peuple chiapanèque, le gouvernement a redoublé la dose d’autoritarisme et d’arrogance.
Face à une ample mobilisation de rejet, le système du parti-État a choisi de répéter jusqu’à la nausée le mensonge de son triomphe et a exacerbé les confrontations. La polarisation actuelle de la scène du Sud-Est mexicain est le fait du gouvernement et démontre son incapacité à résoudre, en profondeur, les problèmes politiques et sociaux du Mexique. Par la corruption et la répression, ils tentent de résoudre un problème qui n’a d’autre solution que la reconnaissance du triomphe légitime de la volonté populaire du Chiapas. Jusqu’alors, l’EZLN s’était tenue à l’écart des mobilisations populaires, malgré la grande campagne de discrédit et de répression sans discrimination que ces dernières avaient à affronter.
Dans l’attente de signes de la volonté gouvernementale d’aboutir à un règlement politique, juste et digne, du conflit, l’EZLN a vu, impuissante, les meilleurs enfants de la dignité du Chiapas assassinés, emprisonnés et menacés ; elle a vu ses frères indigènes du Guerrero, de l’Oaxaca, du Tabasco, de Chihuahua et de Veracruz réprimés et ne recevoir que railleries en réponse à leur demande d’amélioration de leurs conditions de vie.
Pendant toute cette période, l’EZLN n’a pas seulement subi le siège militaire et les menaces et intimidations des forces fédérales ; elle a aussi résisté à une campagne de calomnies et de mensonges. Comme aux premiers jours de l’année 1994, nous avons été accusés de recevoir assistance militaire et financement étrangers ; on a tenté de nous forcer à déposer nos drapeaux en échange d’argent et de postes gouvernementaux ; on a tenté d’enlever sa légitimité à notre lutte en diluant la problématique nationale dans le cadre indigène local.
Pendant ce temps, le gouvernement suprême préparait la solution militaire à la rébellion indigène du Chiapas, et la nation était plongée dans le désespoir et le dégoût. Avec sa prétendue volonté de dialogue, qui n’occultait que la volonté de tuer l’EZLN en l’asphyxiant, le mauvais gouvernement laissait passer le temps et la mort dans les communautés indigènes de tout le pays.
Pendant ce temps, la Parti révolutionnaire institutionnel, branche politique du crime organisé et du trafic de stupéfiants, prolongeait sa phase de décomposition la plus aiguë en recourant à l’assassinat comme méthode de règlement de ses luttes internes. Incapable de tenir un dialogue civilisé en son sein, le PRI ensanglantait le sol national. L’usurpation des couleurs du drapeau national par le sigle du PRI est pour tous les Mexicains une honte qui dure.
Voyant que le gouvernement et le pays couvraient à nouveau d’oubli et de désintérêt les habitants originels de ces terres ; voyant que le cynisme et le laisser-aller gagnaient à nouveau le cœur de la nation, et que, en plus du droit aux conditions minimales d’une existence digne, on refusait aux peuples indiens le droit de gouverner et se gouverner selon leur raison et leur volonté ; voyant que la mort de nos morts devenait inutile ; voyant qu’on ne nous laissait pas d’autre voie, l’EZLN a pris le risque de briser l’encerclement militaire qui la retenait et a avancé au secours d’autres frères indigènes qui, une fois épuisées les voies pacifiques, plongeaient dans le désespoir et la misère. Voulant à tout prix éviter d’ensanglanter le sol mexicain du sang de nos frères, l’EZLN a dû, une nouvelle fois, attirer l’attention de la nation sur les graves conditions de vie des indigènes mexicains, en particulier ceux dont on supposait qu’ils avaient déjà reçu l’aide gouvernementale, et qui, pourtant, continuent de traîner la misère dont ils héritent, année après année, depuis cinq siècles. Par l’offensive de décembre 1994, l’EZLN a cherché à montrer, au Mexique et au monde, son orgueilleuse essence indigène et le caractère insoluble de la situation sociale locale, s’il n’y a pas de profonds changements dans les relations politiques, économiques et sociales de tout le pays.
La question indigène n’aura pas de solution sans transformation RADICALE du pacte national. La seule manière d’intégrer, avec justice et dignité, les indigènes à la nation, c’est en reconnaissant les caractéristiques propres à leur organisation sociale, culturelle et politique. Les autonomies ne sont pas une séparation, elles sont l’intégration au Mexique contemporain des minorités les plus humiliées et oubliées. C’est ce que veut l’EZLN depuis sa formation et c’est ce qu’ordonnent les bases indigènes qui forment la direction de notre organisation.
Aujourd’hui nous répétons : NOTRE LUTTE EST NATIONALE.
On nous a critiqués en disant que, nous, les zapatistes, demandons beaucoup, que nous devons nous contenter de l’aumône que nous a offerte le mauvais gouvernement. Celui qui est prêt à mourir pour une cause juste et légitime a le droit de tout demander. Nous, zapatistes, sommes prêts à offrir la seule chose que nous ayons, la vie, pour exiger la démocratie, la liberté et la justice pour tous les Mexicains.
Nous réaffirmons aujourd’hui :

TOUT POUR TOUS, RIEN POUR NOUS !

À la fin de l’année 1994 explosait la farce économique avec laquelle le salinisme avait trompé la nation et la communauté internationale. La patrie de l’argent a appelé en son sein les grands seigneurs du pouvoir et de la superbe, et ceux-ci n’ont pas hésité à trahir le sol et le ciel où ils s’enrichissaient par le sang mexicain. La crise économique a réveillé les Mexicains du doux rêve abrutissant de l’accession au premier monde. Le cauchemar du chômage, de la vie chère et de la misère, sera désormais plus aigu pour la majorité des Mexicains.
Cette année qui se termine, 1994, a fini de montrer le vrai visage du système brutal qui nous domine. Le programme politique, économique, social et répressif du néolibéralisme a démontré son inefficacité, sa fausseté, et la cruelle injustice qui en est l’essence. Le néolibéralisme en tant que doctrine et en tant que réalité doit être jeté, et vite, à la poubelle de l’histoire nationale.
Frères,
Aujourd’hui, au milieu de cette crise, l’action résolue de tous les mexicains honnêtes est nécessaire, pour réussir un changement réel et profond du destin de la nation.
Aujourd’hui, après avoir d’abord appelé à prendre les armes, puis à la lutte civile et pacifique, nous appelons le peuple du Mexique à lutter PAR TOUS LES MOYENS, À TOUS LES NIVEAUX ET PARTOUT pour la démocratie, la liberté et la justice, par cette...

TROISIÈME DÉCLARATION DE LA FORÊT LACANDONE

où nous appelons toutes les forces sociales et politiques du pays, tous les Mexicains honnêtes, tous ceux qui luttent pour la démocratisation de la vie nationale, à la formation d’un Mouvement pour la libération nationale, incluant la Convention nationale démocratique et TOUTES les forces qui, sans distinction de croyances religieuses, de race ou d’idéologie politique, sont contre le système du parti-État.
Ce Mouvement pour la Libération nationale luttera, d’un commun accord, par tous les moyens et à tous les niveaux, pour l’instauration d’un gouvernement de transition, une nouvelle Constituante, une nouvelle Constitution et la destruction du système de Parti-État. Nous appelons la Convention nationale démocratique et le citoyen Cuauhtémoc Cardenas Solorzano, à prendre la tête de ce Mouvement pour la libération nationale, en tant que large front d’opposition.
Nous appelons les ouvriers de la république, les travailleurs de la campagne et de la ville, les banlieusards, les professeurs et les étudiants du Mexique, les femmes mexicaines, les jeunes de tout le pays, les artistes et intellectuels honnêtes, les religieux conséquents, les militants de base des différentes organisations politiques, à se battre, dans leur milieu et selon les formes de lutte qu’ils jugent possibles et nécessaires, pour la fin du système de parti-État, en rejoignant la Convention nationale démocratique s’ils n’ont pas de parti, et leMouvement pour la libération nationale s’ils militent dans l’une des forces politiques d’opposition.
Par conséquent, en accord avec l’esprit de cette Troisième Déclaration de la forêt Lacandone, nous déclarons :
Premièrement. Est retirée au gouvernement fédéral la tutelle de la patrie. Le drapeau du Mexique, la loi suprême de la nation, l’hymne mexicain et les armes de la nation sont désormais sous la garde des forces de la résistance ; jusqu’à ce que la légalité, la légitimité et la souveraineté soient restaurées sur tout le territoire national.
Deuxièmement. Est déclarée en vigueur la Constitution politique originelle des États unis mexicains, promulguée le cinq février 1917, en y ajoutant les lois révolutionnaires de 1993 et les statuts d’autonomie adjoints pour les régions indigènes, ce jusqu’à ce que soit instaurée une nouvelle Constituante et promulguée une nouvelle Carta Magna.
Troisièmement. Nous appelons à la lutte pour que soit reconnu "gouvernement de transition démocratique " celui dont se doteront d’elles-mêmes les différentes communautés, organisations sociales et politiques, maintenant le pacte fédéral souscrit dans la Constitution de 1917, et à ce qu’elles rejoignent, sans distinction de religion, de classe sociale, d’idéologie politique, de race ou de sexe, le Mouvement pour la libération nationale.
L’EZLN appuiera la population civile dans sa tâche de rétablissement de la légalité, de l’ordre, de la légitimité et de la souveraineté nationales, et dans la lutte pour la formation et l’instauration d’un gouvernement national de transition démocratique aux caractéristiques suivantes :
1. Il liquidera le système du parti-État et séparera réellement le gouvernement du PRI.2. Il réformera la loi électorale en des termes garantissant : propreté, crédibilité, équité, participation citoyenne non partisane et non gouvernementale, reconnaissance de toutes les forces politiques nationales, régionales ou locales, et convoquera de nouvelles élections générales dans la Fédération.
3. Il convoquera une nouvelle constituante pour l’élaboration d’une nouvelle constitution.
4. II reconnaîtra les particularités des groupes indigènes ; il reconnaîtra leur droit à une autonomie incluante et leur citoyenneté.
5. Il réorientera le programme économique national, renonçant à la dissimulation et au mensonge et favorisant les secteurs les plus démunis du pays, les ouvriers et paysans, qui sont les principaux producteurs de la richesse que d’autres s’approprient.
Frères,
La paix viendra, amenée par la démocratie, la liberté et la justice pour tous les Mexicains. Nos pas ne peuvent trouver la juste paix que réclament nos morts, si c’est au prix de notre dignité mexicaine. La terre n’a pas de répit et marche dans nos cœurs. L’offense faite à nos morts demande la lutte pour laver leur peine. Nous résisterons. L’opprobre et la superbe seront vaincus.
Comme avec Benito Juárez face à l’intervention française, la patrie marche, à présent, aux côtés des forces patriotes, contre les forces antidémocratiques et autoritaires.
Aujourd’hui, nous disons :

LA PATRIE VIT ! ET ELLE NOUS APPARTIENT !

Démocratie !
Liberté !
Justice !
Depuis les montagnes du Sud-est mexicain.
Comité clandestin révolutionnaire indigène-Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale.
Mexique, janvier 1995.

Cinquième déclaration de la forêt Lacandone

Cinquième déclaration de la forêt Lacandone

mercredi 1er juillet 1998

Traduction Effectuée par le CSCPL

CINQUIÈME DÉCLARATION DE LA FORÊT LACANDONE

Aujourd’hui nous disons : Nous sommes là ! Nous résistons !
Nous sommes les vengeurs de la mort. Notre lignée ne s’éteindra pas tant qu’il y aura de la lumière dans la lueur du matin.
Popol Vuh.
Frères et sœurs,
Elle n’est pas nôtre la maison de la douleur et de la misère. C’est ainsi que l’a décrit celui qui nous vole et nous ment.
Elle n’est pas nôtre la terre de la mort et de l’angoisse. Il n’est pas nôtre le chemin de la guerre. Elle n’est pas nôtre la trahison et l’oubli n’existe pas dans notre passé. Ils ne sont pas nôtres le sol vide et le ciel creux.
Est nôtre la maison de la lumière et de l’allégresse. Nous la construisons, nous luttons pour elle, nous la faisons croître. Est nôtre la terre de la vie et de l’espérance. Est nôtre le chemin de la paix qui se sème avec dignité et se récolte avec justice et liberté.

I - La résistance et le silence.

Frères et sœurs.
Nous savons que la lutte pour la place que nous méritons et dont nous avons besoin dans la grande nation mexicaine est seulement une partie de la grande lutte de tous pour la démocratie, la liberté et la justice, mais c’est une part fondamentale et nécessaire. À plusieurs reprises, depuis le début de notre soulèvement le premier janvier 1994, nous avons appelé toute la population du Mexique à lutter ensemble et par tous les moyens pour les droits que nous nient les puissants. À plusieurs reprises depuis que nous vous avons rencontrés et que nous avons parlé avec vous tous, nous avons insisté sur la nécessité du dialogue et de la rencontre pour nous suivre. Depuis plus de quatre ans, jamais la guerre n’a été initiée par nous. Depuis toujours la guerre est venue par les faits et gestes des gouvernements suprêmes. De là sont venus les mensonges, les morts et les misères.
Suivant le chemin que vous nous avez demandé de suivre, nous avons dialogué avec le pouvoir et nous sommes parvenus à des accords qui signifieraient le début de la paix sur nos terres, la justice pour les indigènes du Mexique et l’espérance pour tous les hommes et les femmes honnêtes du pays.
Ces accords, les accords de San Andrès, ne sont pas le fruit de notre unique volonté et ne sont pas nés seuls. À San Andrès, il y avait des représentants de toutes les populations indiennes du Mexique, là, leur voix était représentée et leurs revendications exprimées. Leur lutte - qui est un chemin et une leçon - fut resplendissante, elles ont parlé de leurs propres voix et avec leur cœur.
Il n’y avait pas que les zapatistes à San Andrès et ses accords. Les zapatistes furent et sont avec et derrière les populations indiennes du pays. Comme aujourd’hui, nous n’étions qu’une petite partie de la grande histoire avec le visage, la parole et le cœur des náhuatl, paipai, kiliwa, cúcapa, cochimi, kumiai, yuma, seri, chontal, chinanteco, pame, chichimeca, otomí, mazahua, matlazinca, ocuilteco, zapoteco, solteco, chatino, papabuco, mixteco, cuicateco, triqui, amuzgo, mazateco, chocho, izcateco, huave, tlapaneco, totonaca, tepehua, popoluca, mixe, zoque, huasteco, lacandón, maya, chol, tzeltal, tzotzil, tojolabal, mame, teco, ixil, aguacateco, motocintleco, chicomucelteco, kanjobal, jacalteco, quiché, cakchiquel, ketchi, pima, tepehuán, tarahumara, mayo, yaqui, cahita, ópata, cora, huichol, purépecha et kikapú.
Nous continuerons à lutter la main dans la main avec toutes les populations indiennes dans la lutte pour la reconnaissance de leurs droits. Non pas comme avant-garde ou comme direction, seulement comme partie.
Nous mettons en application notre parole de chercher une solution pacifique.
Mais le gouvernement suprême a failli à sa parole et n’a pas mis en application le premier accord fondamental auquel nous étions arrivés : la reconnaissance des droits indigènes.
À la paix que nous offrions, le gouvernement a opposé la guerre de son obstination.
Depuis, la guerre contre nous et tous ceux les populations indiennes continue.
Depuis, les mensonges augmentent.
Depuis, il a menti au pays et au monde entier en simulant la paix et en faisant la guerre contre tous les indigènes.
Depuis, il a tenté d’oublier sa parole et a tenté d’occulter la trahison qui gouverne les terres mexicaines.

II - Contre la guerre, il n’y a pas d’autre guerre mais la résistance digne et silencieuse.

Alors que le gouvernement démontrait au Mexique et au monde sa volonté de mort et de destruction, nous les zapatistes, ne répondions pas par la violence, ni n’entrions en compétition sinistre pour voir quel était celui qui causait le plus de morts et de douleurs à l’autre partie.
Alors que le gouvernement accumulait les phrases creuses et se pressait de discuter avec un rival qui lui échappait constamment, nous les zapatistes faisions du silence une arme de lutte qu’il ne connaissait pas et contre laquelle on ne pouvait rien faire et face à notre silence se brisèrent tour à tour les mensonges, les balles, les bombes, les coups. Alors que depuis des combats de janvier 1994, nous avions fait de la parole une arme, aujourd’hui, nous avons fait une arme du silence. Alors que le gouvernement offrait à tous la menace, la mort et la destruction, nous, nous pouvions apprendre de nous-mêmes, enseigner à nous-mêmes et aux autres une forme différente de lutte selon laquelle par la raison, la vérité et l’histoire, on pouvait combattre et gagner... en se taisant.
Alors que le gouvernement répartissait les subornations, les appuis économiques de mensonges pour acheter des fidélités et briser les convictions, nous, les zapatistes avons fait de notre digne refus aux aumônes du pouvoir un mur qui nous protège et nous en éloigne.
Alors que le gouvernement montrait des mirages par des richesses corrompues et imposait la faim pour soumettre et vaincre, nous les zapatistes faisions de notre faim un aliment et de notre pauvreté la richesse de celui qui se sait digne et conséquent.
Le silence, la dignité et la résistance ont été notre force et notre meilleure arme. Grâce à elle, nous avons combattu et mis en déroute un ennemi fort mais dont la cause manquait de raison et de justice. Grâce à notre expérience et à la grande et lumineuse histoire de la lutte indigène que nous avons héritée de nos ancêtres, les premiers habitants de ces terres, nous avons repris ces armes et nous avons transformé nos silences en combattants, la dignité en lumière et notre résistance en muraille.
Cependant, durant le temps que dura notre silence, nous sommes restés à l’écart de toute participation directe dans les problèmes nationaux principaux où nous n’avons pas fait de proposition ni montré notre position ; Bien que notre silence ait permis au pouvoir de faire naître et croître les rumeurs et les mensonges concernant les divisions et les ruptures internes zapatistes et chercher à nous vêtir de l’habit de l’intolérance, l’intransigeance, la faiblesse et la claudication ; bien que certains se découragèrent du fait de l’absence de notre voix et que d’autres en profitèrent pour faire croire qu’ils étaient cette voix, malgré toutes ces douleurs et même à cause de ces douleurs, grands furent les pas qui nous firent avancer et ouvrir les yeux.
Nous vîmes que nous ne pouvions plus garder muets nos morts, que les morts parlaient pour nos morts, que les morts accusaient, que les morts criaient, que les morts ressuscitaient. Nos morts ne mourront jamais. Ces morts seront toujours les nôtres et ceux de tous ceux qui combattent.
Nous vîmes des dizaines des nôtres affronter à mains nues et avec leurs seuls ongles des milliers d’autres bardés d’armes modernes, nous les vîmes faits prisonniers, nous les vîmes se relever dignement et dignement résister. Nous vîmes des membres de la société civile faits prisonniers pour avoir été proches des indigènes et pour avoir cru que la paix passait par l’art, l’éducation et le respect. Nous les vîmes, leurs cœurs devenus indiens dans la lutte et devenus nos frères et sœurs nous les vîmes.
Nous vîmes la guerre venir d’en haut avec son grondement et nous vîmes qu’ils pensaient que nous répondrions et ils firent l’absurdité de transformer nos réponses en argument pour augmenter leurs crimes. Le gouvernement a apporté la guerre et n’a pas obtenu de réponse, mais ses crimes ont continué. Notre silence a démasqué le pouvoir et l’a montré tel qu’il est : une brute criminelle. Nous vîmes que notre silence a évité que la mort et la destruction n’augmentent. Ainsi sont démasqués les assassins qui se cachent derrière ce qu’ils appellent "l’état de droit".
Arrachant le voile derrière lequel ils se cachent, sont apparus les tièdes et les pusillanimes, ceux qui jouent avec la mort par profit, ceux qui voient dans le sang des autres un tremplin, ceux qui tuent parce qu’on applaudit le matador. Et celui qui gouverne a jeté son dernier masque d’hypocrisie "la guerre n’est pas contre les indigènes" disait-il alors qu’il continuait à emprisonner et à assassiner les indigènes. Sa propre guerre personnelle l’accusait d’assassinat alors que notre silence le jugeait.
Nous vîmes le gouvernement tout-puissant s’irriter de ne rencontrer ni rival ni reddition, nous le vîmes se retourner contre d’autres et frapper ceux qui ne suivaient pas le même chemin que nous mais qui défendaient des bannières identiques : des leaders indigènes honnêtes, des organisations sociales indépendantes, des médiateurs, des organisations non-gouvernementales, des observateurs internationaux, tout citoyen désirant la paix. Nous vîmes tous ces frères et sœurs être frappés et nous vîmes qu’ils ne se rendaient pas. Nous vîmes le gouvernement frapper tout le monde et, en cherchant à diviser les forces en présence, augmenter le nombre de ses ennemis.
Nous vîmes également que le gouvernement n’était pas unanime quant à la vocation de mort dont se prévalait son chef. Nous vîmes qu’il y avait dans ce gouvernement des gens qui désiraient la paix, qui la comprenaient, qui en voyaient la nécessité et l’obligation. Alors que nous nous taisions, nous vîmes que d’autres voix à l’intérieur de la machine de guerre s’élevaient pour s’opposer à son dessein.
Nous vîmes le pouvoir désavouer sa propre parole et envoyer aux législateurs une proposition de loi qui ne tenait pas compte des revendications des tous premiers habitants de ces terres, qui faisait s’éloigner la paix, et qui frustrait les espérances d’une solution juste rendue impossible par la guerre. Nous le vîmes s’asseoir à la table de l’argent, annoncer sa trahison et chercher là un appui que lui refusait le peuple. Du monde de l’argent, le pouvoir reçût des applaudissements, de l’or et l’ordre d’en finir avec ceux des montagnes. "Que meurent ceux qui doivent mourir, des milliers si nécessaire, mais qu’on en finisse avec ce problème", murmurait l’argent à l’oreille de celui qui disait gouverner. Nous vîmes que sa proposition allait à l’encontre de celle qu’il avait déjà approuvée, à l’encontre de notre droit à nous gouverner et à prendre part à la Nation.
Nous vîmes que sa proposition tentait de nous briser, de nous enlever notre histoire, de nous faire disparaître de la mémoire, et d’oublier la volonté de toutes les populations indiennes devenue collective à San Andrès. Nous vîmes que sa proposition était chargée de division et de rupture en détruisant les ponts et en effaçant les espérances.
Nous vîmes qu’à notre silence s’associa la volonté de gens et de personnes bonnes qui, à l’intérieur des partis politiques, élevèrent la voix pour organiser un front contre le mensonge et empêcher l’injustice et la tromperie d’une loi qui se prétendait loi constitutionnelle des droits indiens mais qui n’était rien d’autre qu’une loi pour la guerre.
Nous vîmes que, en nous taisant, nous pouvions mieux écouter les voix et les vents venus d’en bas et pas seulement la rude voix de la guerre venue d’en haut.
Nous vîmes que, en nous taisant, le gouvernement mettait fin à la légitimité que lui avaient donnée la volonté de paix et la raison. Le vide provoqué par l’absence de notre parole avait mis en lumière la vacuité et la stérilité de la parole de celui qui commande en commandant et avait permis de convaincre ceux qui ne nous avaient pas écoutés et qui nous regardaient d’un œil sceptique. Ainsi pour beaucoup s’imposa la nécessité de la paix dans les termes de justice et de dignité.
Nous vîmes tous ceux qui, différents comme nous, se cherchaient et cherchaient d’autres façons de ramener la paix sur le terrain des espérances possibles, nous les vîmes construire et lancer des initiatives, nous les vîmes croître. Nous les vîmes arriver jusqu’à nos communautés avec de l’aide pour nous faire savoir que nous n’étions pas seuls. Nous les vîmes protester en marchant, en signant des pétitions, se déployant en peignant, chantant, écrivant, arrivant jusqu’à nous. Nous les vîmes également proposer un véritable dialogue, différent du faux dialogue imposé par la volonté du pouvoir.
Nous vîmes d’autres gens que nous n’avions pas vus auparavant. Nous vîmes que la lutte pour la paix rassemblait autour d’elle des personnes nouvelles et bonnes, des hommes et des femmes qui plutôt que d’opter pour le cynisme et l’apathie avaient choisi le compromis et la mobilisation.
En silence nous les vîmes tous, en silence nous saluons ceux qui ont cherché et ouvert des portes, en silence nous leur adressons cette réponse.
Nous vîmes d’autres hommes et femmes issues d’autres terres se joindre à la lutte pour la paix. Nous vîmes d’autres gens qui depuis leur propre pays lançaient un " vous n’êtes pas seuls", nous les vîmes se mobiliser et répéter " ça suffit", nous les vîmes imaginer et réaliser des appels à la justice, avancer comme on chante, écrire comme on crie, parler comme on marche. Nous vîmes tous ces éclairs rebondir dans les cieux et arriver sur nos terres sous tous les noms différents que José peut avoir, sous les traits de tous ceux qui cherchent un monde pour tous dans le monde.
Nous vîmes d’autres gens traverser le pont entre eux et nous, au-dessus des frontières et des océans pour venir observer et condamner la guerre. Nous les vîmes arriver jusqu’à nous pour nous faire savoir que nous n’étions pas seuls. Nous les vîmes persécutés et agressés comme nous. Nous les vîmes être frappés comme nous. Nous les vîmes être calomniés comme nous le sommes. Nous les vîmes résister comme nous. Nous vîmes leur présence parmi nous, même après leur départ. Nous les vîmes chez eux parler de ce que leurs yeux avaient vu et dénoncer ce que leurs oreilles avaient entendu. Nous les vîmes continuer à lutter.
Nous vîmes que, en se taisant, la voix de la résistance de nos populations s’élevait plus haut contre le profit et la violence.
Nous vîmes que, par le silence nous parlions comme celui que nous sommes réellement et non pas comme celui qui apporte la guerre, comme celui qui cherche la paix et non pas comme celui qui impose sa volonté, comme celui qui désire un endroit où chacun a sa place et non pas comme celui qui est seul et simule la foule autour de lui, comme celui qui est tous même dans la silencieuse solitude de celui qui résiste.
Nous vîmes que notre silence fut le bouclier et l’épée qui blessa et affaibli celui qui désire la guerre et l’impose. Nous vîmes que notre silence a fait perdre pied, à plusieurs reprises, à un pouvoir qui simule vouloir la paix et être un bon gouvernement et dont la puissante machine de mort s’est, à plusieurs reprises, heurtée au mur silencieux de notre résistance. Nous vîmes qu’à chaque nouvelle attaque il gagnait moins et perdait plus a. Nous vîmes qu’en ne nous battant pas, nous nous battions.
Et nous vîmes que la volonté de paix en se taisant s’affirme aussi, se montre et convainc.

III - San Andrés : une loi nationale pour tous les indigènes et une loi pour la paix

Une loi indigène nationale doit répondre aux espérances des populations indiennes de tout le pays. À San Andrès étaient représentés tous les indigènes du Mexique et pas seulement les zapatistes. Les accords signés l’ont été avec tous les peuples indiens, et pas seulement avec les zapatistes. Pour nous, et pour des millions d’indiens et de non indiens mexicains, une loi qui ne respecte par les accords de San Andrès n’est qu’une simulation, c’est une porte vers la guerre et un précédent pour les rebellions indigènes qui, dans le futur, auront à payer la facture que l’histoire présente régulièrement aux mensonges.
Une réforme constitutionnelle en matière de droit et culture indigènes ne doit pas être unilatérale, elle doit tenir compte des accords de San Andrès et reconnaître ainsi les aspects fondamentaux des revendications des populations indiennes : autonomie, territorialité, populations indiennes, systèmes normatifs. Dans les accords est reconnu le droit à l’autonomie indigène et au territoire, conformément à l’article 169 de l’organisation Internationale du Travail, signé par le Sénat de la République. Aucune législation qui tenterait de réduire les populations indigènes en limitant leurs droits aux seules communautés, en promouvant ainsi la fragmentation et la dispersion rendant possible son anihilement ne pourra assurer la paix et l’inclusion dans la Nation des tout premiers Mexicains.
Toute réforme qui prétendra rompre les liens de solidarité historique et culturelle qui existent actuellement entre les indigènes est condamnée à l’échec et est simplement une injustice et une négation historique.
Bien qu’elle n’inclue pas tous les accords de San Andrès (nouvelle preuve que nous ne fûmes pas intransigeants puisque nous avons accepté le travail de la médiation et que nous le respectons), l’initiative de loi élaborée par la Commission de Concorde et Pacification est une proposition de loi issue du processus de négociations ; étant dans l’esprit de donner une continuité et une raison d’être au dialogue, elle constitue une base solide qui peut amener vers une solution pacifique du conflit et une aide importante pour arrêter la guerre et parvenir à la paix. La dite" loi COCOPA" a été élaborée sur la base des revendications indiennes, elle reconnaît les problèmes et jette les bases pour les solutionner, elle reflète une autre forme de participation politique qui aspire à la démocratie et répond à une demande nationale de paix incluant les demandes sociales et permettant une ouverture sur les grands problèmes nationaux. C’est la raison pour laquelle nous confirmons notre appui à l’initiative de loi élaborée par la Commission de Concorde et Pacification et nous demandons qu’elle soit approuvée au niveau constitutionnel.

IV - le dialogue et la négociation sont possibles s’ils sont véritables

Concernant le dialogue et la négociation, trois grands ennemis doivent être éliminés pour pouvoir se dérouler dans un cadre viable, efficace et crédible. Ces ennemis sont l’absence de médiation, la guerre et la non mise en application des accords. Mais l’absence de médiation, la guerre et le manquement à la parole sont de la responsabilité du gouvernement.
La médiation dans la négociation d’un conflit est incontournable, sans elle aucun dialogue n’est possible entre les deux partis opposés. Par sa guerre contre la Commission nationale de médiation, le gouvernement a détruit le seul pont permettant le dialogue, s’est éloigné d’un important obstacle à la violence et a provoqué le jaillissement d’une question : médiation nationale ou internationale ?
Le dialogue et la négociation répondront aux critères de pertinence, viabilité et efficacité quand, ajoutées à une médiation, la confiance et la crédibilité seront restituées. Jusqu’à ce moment, ils ne seront qu’une farce à laquelle nous ne voulons pas participer. Nous n’en voulons pas. Nous voulons un dialogue pour chercher des solutions pacifiques et non pas pour gagner du temps en pariant sur des supercheries politiques. Nous ne serons pas les complices d’une simulation.
Nous ne pouvons pas non plus être cyniques et poursuivre un dialogue dans le seul but d’éviter la persécution, l’emprisonnement et l’assassinat de nos dirigeants. Les drapeaux zapatistes ne sont pas nés avec nos chefs, ils ne mourront pas avec eux. Si nos dirigeants sont assassinés ou emprisonnés, ce ne sera pas pour avoir été inconséquents ou traîtres.
Nous ne nous sommes pas soulevés et rebellés pour devenir plus forts, ni avoir le pouvoir. Nous nous levons pour réclamer la démocratie, la liberté et la justice parce que nous avons la raison et la dignité de l’histoire de notre côté. Forts de ce sentiment, il nous est impossible de rester impassibles face aux injustices, aux trahisons et aux mensonges qui constituent déjà dans notre pays un " mode de gouvernement".
La raison a toujours été une arme de résistance face à la stupidité qui aujourd’hui, mais plus pour longtemps, semble si retentissante et omnipotente. Que l’on soit zapatiste ou non zapatiste, la paix avec justice et dignité est un droit pour lequel tous les mexicains honnêtes, indigènes et non indigènes continueront à lutter.

V - Continuons à résister

Frères et sœurs :
L’EZLN en tant qu’organisation a jusqu’ici résisté aux offensives les plus féroces qui se sont déchaînées contre elle. Elle a conservé intacte sa capacité militaire, a étendu sa base sociale et a accru sa force politique par l’évidence de la justesse de ses revendications. Le caractère indigène de l’EZLN a été renforcé et il continue d’être un moteur important de la lutte pour les droits des populations indiennes. Les indigènes sont aujourd’hui des acteurs nationaux : leur destin et leurs problèmes font partie de la discussion nationale. La voix des premiers habitants de ces terres à une résonance particulière dans l’opinion publique, non pas celle du tourisme ou de l’artisanat mais celle de la lutte contre la pauvreté et pour la dignité. Les zapatistes ont tendu la main à d’autres organisations sociales et politiques et à des milliers d’autres personnes sans parti politique et ce, dans un respect mutuel affirmé. De plus, avec les autres, nous avons créé des relations avec le monde entier et contribuer à créer(avec les hommes et les femmes des cinq continents) une grande famille qui lutte par des moyens pacifiques contre le néolibéralisme et résiste en luttant pour un monde nouveau et meilleur. De la même manière, nous avons contribué à la naissance d’un mouvement culturel nouveau qui lutte pour un homme et un monde nouveaux.
Tout ceci a été possible grâce à nos camarades des bases d’appui, ceux et celles sur les épaules desquels repose le poids le plus important de notre lutte et qui l’ont soutenu avec fermeté, décision héroïsme. L’appui des populations indiennes de tout le pays a été également important, l’appui de nos frères indigènes qui nous ont appris, nous ont écoutés et nous ont parlé. La société civile nationale a été le facteur fondamental pour que les revendications justes des zapatistes et de tous les indigènes tout le pays continuent sur la voix de démobilisation pacifique. La société civile internationale a été sensible et a ouvert des oreilles et des yeux attentifs pour que la réponse aux exigences ne soit pas synonyme de plus de mort ou d’emprisonnement. Les organisations politiques et sociales indépendantes nous ont acceptés en tant que frères ce qui a encouragé notre résistance. Tous nous ont aidés à résister à la guerre, pas à la faire.
Aujourd’hui, avec tous ceux qui marchent à nos côtés, nous disons : Nous sommes là ! Nous résistons !
Malgré la guerre que nous subissons, malgré nos morts et nos prisonniers, nous, les zapatistes, n’oublions pas pourquoi nous luttons ni que notre fer de lance dans la lutte pour la démocratie, la liberté et la justice au Mexique est la reconnaissance des droits des populations indiennes.
Comme dans le compromis fait depuis le premier jour de notre soulèvement, aujourd’hui nous réaffirmons en premier lieu, par-dessus notre souffrance, par-dessus nos problèmes, par-dessus les difficultés, l’exigence que soient reconnus les droits des indigènes par un changement de la constitution politique des États-Unis du Mexique qui assure à tous le respect et la possibilité de lutter pour ce qui leur appartient : la terre, le toit, le travail, le pain, la médecine, l’éducation, la démocratie, la justice, la liberté, l’indépendance nationale et la paix digne.

VI - L’heure est venue pour les populations indiennes, la société civile et le Congrès de l’Union

Frères et sœurs : la guerre avec son cortège de mort et de destruction a déjà parlé.
Le gouvernement et son masque criminel ont déjà parlé.
Il est temps que fleurissent à nouveau en paroles les armes silencieuses que nous portons depuis des siècles, il est temps de parler de paix, c’est le temps de la parole pour la vie.
C’est notre temps.
Aujourd’hui, avec le cœur indigène qui est la digne racine de la nation mexicaine et après avoir écouté la voix de la mort qui vient de la guerre du gouvernement et, nous appelons le peuple du Mexique, les hommes et les femmes de toute la planète à unir leurs pas et leurs forces aux nôtres dans cette étape de la lutte pour la liberté, la démocratie et la justice, au travers de cette ...

Cinquième déclaration de la Forêt Lacandone

Dans laquelle nous appelons tous les hommes et les femmes honnêtes à lutter pour la RECONNAISSANCE DES DROITS DES POPULATIONS INDIENNES ET POUR LA FIN DE LA GUERRE D’EXTERMINATION.
Il n’y aura pas de transition vers la démocratie ni de réforme de l’État ni de solution réelle aux principaux problèmes nationaux sans la participation des populations indiennes. Avec les indigènes l’évolution vers un pays meilleur et neuf est nécessaire et possible. Sans eux, il n’y a pas de futur pour la Nation.
Le moment est venu pour les populations indiennes de tout le Mexique. Nous les appelons pour qu’ensemble, nous continuions à lutter pour les droits que l’histoire, la raison et la vérité nous ont donnés. Nous les appelons pour qu’ensemble en reconnaissant l’héritage de la lutte et de la résistance, nous nous mobilisions dans tout le pays et que nous fassions savoir à tous, par des moyens civils et pacifiques, que nous sommes la racine de la nation, son fondement digne, son présent de lutte, son futur incluant. Nous les appelons pour qu’ensemble, nous luttions pour le droit au respect au côté de tous les Mexicains. Nous les appelons pour qu’ensemble, nous démontrions que nous voulons la démocratie, la liberté et la justice pour tous. Nous les appelons pour exiger d’être reconnus comme partie digne de notre nation. Nous les appelons pour qu’ensemble, nous arrêtions la guerre des puissants contre tous.
Le moment est venu pour la société civile nationale et les organisations politiques et sociales indépendantes. L’heure est venue pour les paysans, les ouvriers, les enseignants, les étudiants, les professeurs, les religieux et les religieuses, les journalistes, les fermiers, les petits commerçants, les débiteurs, les artistes, les intellectuels, les laissés-pour-compte, les séropositifs, les homosexuels, les lesbiennes, les hommes, les femmes, les enfants, les jeunes, les anciens, les syndicats, les coopératives, les groupements paysans, les organisations politiques, les organisations sociales. Nous les appelons pour que, avec nous et les populations indiennes, ils luttent contre la guerre et pour la reconnaissance des droits indigènes, pour la transition vers la démocratie, pour un modèle économique qui serve le peuple sans se servir de lui, pour une société tolérante et incluante, pour le respect de la différence, pour un pays nouveau où la paix avec justice et dignité sera celle de tous.
L’heure est venue pour le Congrès de l’Union.
Après une grande lutte pour la démocratie ayant placé en-tête les partis politiques d’opposition, une nouvelle corrélation de force s’est établie à la chambre des députés et des sénateurs qui complique les procédés et arbitraires du présidentialisme et qui aspirent à une véritable séparation et indépendance des pouvoirs de l’Union. La nouvelle composition politique des deux chambres relève le défi de rendre digne le travail législatif, en tentant de le transformer en un espace au service de la Nation plutôt qu’au service de son président, espérant ainsi faire refleurir le titre de "Honorable" qui qualifiait autrefois le nom collectif donné aux sénateurs et députés fédéraux. Nous appelons les députés et sénateurs de la République de tous les partis politiques enregistrés et les congressistes indépendants à légiférer au bénéfice de tous lesMexicains. Pour qu’ils commandent en obéissant. Pourqu’ils fassentleur devoir en appuyant la paix et non la guerre. Pour que, rendanteffectiveladivision des pouvoirs, ils obligent l’exécutif fédéral à arrêter la guerre d’extermination visant les populations indiennes du Mexique. Pour que, dans le plein respect des prérogatives que la Constitution politique leur confère, au moment de légiférer, ils écoutent la voix du peuple mexicain qui les a élus. Pour qu’ils donnent leur soutien ferme et entier à la Commission de Concorde et Pacification, pour que cette commission législative puisse remplir efficacement et de façon efficiente son rôle de contribution au processus de paix. Pour qu’ils entendent l’appel historique qui exige la pleine reconnaissance des droits des populations indiennes. Pour qu’ils contribuent à créer une image internationale digne de notre pays. Pour qu’ils laissent à la postérité l’image d’un congrès qui a su cesser d’obéir et de servir un seul pour obéir et servir tous.
L’heure est venue pour la Commission de Concorde et de Pacification. Elle a entre les mains la possibilité d’arrêter la guerre, d’accomplir ce que l’exécutif se refuse à accomplir, d’ouvrir la porte vers l’espérance d’une paix juste et digne et de créer les conditions d’une coexistence pacifique de tous les Mexicains. Il est temps de respecter loyalement la loi dictée par le dialogue et la négociation au Chiapas. Il est temps de justifier la confiance donnée à cette commission non seulement par les populations indiennes qui ont participé à la table de San Andrès mais aussi par le peuple tout entier qui exige le respect de la parole donnée, l’arrêt de la guerre et la paix nécessaire.
Le temps est venu de la lutte pour les droits des populations indiennes pour un passage à la démocratie, la liberté et la justice pour tous.
Conjointement à la lutte à laquelle nous appelons dans cette Cinquième déclaration de la Forêt Lacandone pour la reconnaissance des droits indigènes et pour la fin de la guerre, ratifiant ainsi notre "tout pour tous, rien pour nous", l’ARMÉE ZAPATISTE DE LIBÉRATION NATIONALE annonce qu’elle réalisera directement et dans tout le Mexique une...

CONSULTATION NATIONALE SUR L’INITIATIVE DE LOI INDIGÈNE DE LA COMMISSION DE CONCORDE ET PACIFICATION ET POUR LA FIN DE LA GUERRE D’EXTERMINATION

Nous proposons d’organiser une consultation nationale sur l’initiative de loi élaborée par la Commission de Concorde et de Pacification dans toutes les municipalités du pays pour que tous les mexicains et mexicaines puissent manifester leur opinion concernant cette initiative. L’EZLN enverra une délégation à chacune des municipalités de notre pays pour expliquer le contenu de l’initiative de la COCOPA afin qu’elles participent à la réalisation de cette consultation. L’EZLN s’adressera en temps voulu et publiquement à la société civile nationale et aux organisations politiques et sociales pour leur faire savoir la convocation suivante.
Nous appelons :
Les populations indiennes de tout le Mexique à se mobiliser de concert avec les zapatistes et à se manifester en exigeant la reconnaissance de leurs droits dans la Constitution.
Les frères et sœurs du congrès national indigène à participer, avec les zapatistes, à l’organisation de la consultation de tous les mexicains et les mexicaines sur l’initiative de loi de la COCOPA.
Aux travailleurs, paysans, enseignant, étudiant, femmes à la maison, fermiers, petits propriétaires, petits commerçants et entrepreneurs, retraités, laissés-pour-compte, religieux et religieux, jeunes, femmes, enfants, homosexuels et lesbiennes, garçons et filles à participer directement avec les zapatistes, de manière collective ou individuelle, à la promotion, l’appui et la réalisation de cette consultation pour un pas en avant vers la paix avec justice et dignité.
À la communauté scientifique, artistique et intellectuelle pour qu’elle s’associe aux zapatistes dans les tâches d’organisation de la consultation sur tout le territoire.
Aux organisations sociales et politiques pour que, conjointement avec les zapatistes, elles travaillent à la réalisation de cette consultation.
Aux partis politiques honnêtes engagés dans les causes populaires à octroyer tout l’appui nécessaire à cette consultation nationale. Pour cela, l’EZLN s’adressera en temps voulu et publiquement aux directions nationales de tous les partis politiques du Mexique.
Au Congrès de l’Union pour qu’il assume son engagement de légiférer au bénéfice du peuple pour contribuer à la paix et non pas à la guerre en permettant la réalisation de cette consultation. Pour cela, l’EZLN s’adressera en temps voulu et publiquement au coordinateur des fractions parlementaires et aux législateurs indépendants des chambres de Députés et de Sénateurs.
À la Commission de Concorde et de Pacification pour que, remplissant son travail de contribution au processus de paix, elle ouvre la voie à la réalisation de la consultation concernant son initiative. Pour cela, l’EZLN s’adressera en temps voulu et publiquement aux législateurs membres de la COCOPA.

VII - Temps de la parole pour la paix.

Frères et sœurs :
Le temps des trompettes de la guerre du pouvoir est passé, nous ne les laisserons plus retentir.
Le temps est venu de parler de paix, la paix que nous méritons et qui est nécessaire à tous, la paix avec justice et dignité.
Aujourd’hui, 19 juillet 1998, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale approuve cette Cinquième Déclaration de la Forêt Lacandone. Nous vous invitons tous à en prendre connaissance, à la défendre et à vous joindre aux efforts et au travail qu’elle demande.
DÉMOCRATIE
LIBERTÉ
JUSTICE
Depuis les montagnes du sud-est mexicain
Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène- Commandement Général de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale.

Quatrième déclaration de la Forêt Lacandone

Quatrième déclaration de la forêt Lacandone

vendredi 5 janvier 1996

Traduction Effectuée par le CSCPL

QUATRIÈME DÉCLARATION DE LA FORET LACANDONE

Aujourd’hui, nous disons : Nous sommes toujours là !
Nous sommes la dignité rebelle, le cœur oublié de la patrie !
"Tous ces peuples, tous ceux qui travaillent la terre, tous nous les invitons à s’unir et se joindre à nous et nous donnerons notre vie a une seule lutte, pour que nous marchions avec votre aide.Luttons encore et sans repos et nôtre sera la terre, propriété des gens, la terre qui fut à nos aïeux et que les doigts de pieds de pierre écraseurs nous ont arrachée, à l’ombre de ceux qui sont passés, ceux qui toujours commandent ; qu’ensemble nous portions haut, la main sur un site élevé et avec la force de notre coeur, ce qui doit être vu, qu’on appelle étendard de notre dignité et de notre liberté, à nous travailleurs de la terre ; ensemble luttons toujours et vainquons ceux qui de nouveau se sont hissés en haut, ceux qui appuient ceux-là qui enlèvent à d’autres leur terre, ceux qui tirent grande richesse du travail de ceux qui sont comme nous, et ces trompeurs des haciendas, c’est notre devoir d’honneur, si nous voulons être appelés des hommes de bonne vie, et en vraie vérité bons habitants du peuple.
Aujourd’hui, de quelque façon, plus que jamais, il nous faut aller tous unis, avec tout notre coeur, et avec tout notre effort, dans ce grand travail de l’unification merveilleuse, bien véritable, de ceux qui engagèrent la lutte, qui gardent purs dans leur coeur ces principes et ne perdent pas la foi de la vie juste.
Nous supplions que qui ait entre ses mains ce manifeste, qu’il le fasse passer à tous les hommes de ces terres."
Réforme, Liberté, Justice et Loi.
Le Général en chef de l’Armée Libératrice du Sud,
Emiliano Zapata.
Au peuple du Mexique,
Aux peuples et gouvernements du monde,
Frères,
Elle ne mourra pas, la fleur de la parole. Le visage invisible de qui la dit aujourd’hui peut mourir, mais la parole revenue du fond de l’histoire, du fond de la terre, la superbe du pouvoir ne pourra plus l’arracher.
Nous sommes nés de la nuit. En elle nous vivons. Nous mourrons en elle. Mais la lumière sera demain pour tous, pour tous ceux qui pleurent la nuit, auxquels le jour est refusé, ceux pour qui la mort est un don, auxquels la vie est interdite. Pour tous, la lumière. Pour tous, tout. Pour nous, la douleur et l’angoisse, pour nous la joyeuse rÈbellion, pour nous le futur fermé, pour nous, la dignité insurgée. Pour nous, rien.
Nous luttons pour qu’on nous écoute et le mauvais gouvernement crie sa superbe et à coups de canon se bouche les oreilles.
Nous luttons par faim et le mauvais gouvernement offre plomb et papiers aux estomacs de nos enfants.
Nous luttons pour un toit digne et le mauvais gouvernement détruit nos maisons et notre histoire.
Nous luttons pour le savoir et le mauvais gouvernement distribue ignorance et mépris.
Nous luttons pour la terre et le mauvais gouvernement offre des cimetières.
Nous luttons pour un travail digne et juste, et le mauvais gouvernement achète et vend corps et hontes.
Nous luttons pour la vie et le mauvais gouvernement offre la mort comme avenir.
Nous luttons pour qu’on respecte notre droit de gouverner et de nous gouverner, et le mauvais gouvernement impose aux plus nombreux la loi des moins nombreux.
Nous luttons pour la liberté de la pensée et du chemin, et le mauvais gouvernement donne prisons et tombeaux.
Nous luttons pour la justice, et le mauvais gouvernement est plein de criminels et d’assassins.
Nous luttons pour l’histoire et le mauvais gouvernement offre l’oubli ;.
Nous luttons pour la Patrie, et le mauvais gouvernement rêve du drapeau et de la langue de l’étranger.
Nous luttons pour la paix, et le mauvais gouvernement annonce guerre et destruction.
Toit, terre, pain, santé, éducation, indépendance, démocratie, liberté, justice et paix. Tels furent nos drapeaux à l’aube de 1994. Telles furent nos demandes pendant la longue nuit des 500 ans. Telles sont, aujourd’hui, nos exigences.
Notre sang, et notre parole, allumèrent dans la montagne un feu tout petit et nous le suivîmes vers la maison du pouvoir et de l’argent. des frères et soeurs d’autres races et d’autres langues, d’autre couleur et de même coeur, protégèrent notre lumière et en elle burent leurs propres feux.
Vint le puissant pour nous éteindre de son souffle violent, mais notre lumière se grandit d’autres lumières. Le riche rêve d’éteindre la lumière source. C’est inutile, il y a beaucoup de lumières à présent, et toutes sont la source.
Le superbe veut éteindre une rébellion que son ignorance situe à l’aube de 1994. Mais la rébellion qui porte maintenant visage brun et langue véritable n’est pas née d’aujourd’hui. Avant, elle parla en d’autres langues, sur d’autres terres. Elle marcha dans bien des montagnes et bien des histoires, la révolte contre l’injustice. Elle a parlé déjà en langue náhuatl, en paipai, kiliwa, cucapa, cochimi, kumiai, yuma, séri, chontale, chinantèque, pamé, chichimèque, otomi, mazahua, matlazinca, ocuiltèque, zapotèque, soltèque, chatino, papabuco, mixtèque, cuicatèque, triqui, amuzgo, mazatèque, chocho, izcatèque, huavé, tlapanèque, totonaque, tepehua, popoluca, mixé, zoqué, huastèque, lacandon, maya, chol,tzeltal, tzotzil, tojolabal, mamé, téco, ixil, aguacatèque, motocintlèque, chicomuceltèque, kanjobal,jacaltèque, quiché, cakchiquel, ketchi, pima,tepehuan, tarahumara, mayo, yaqui, cahita, opata, cora, huichol, purépécha et kikapu. Elle parla et parle espagnol. La rébellion n’est pas affaire de langue, c’est affaire de dignité et d’être humains.
Si nous travaillons ils nous tuent, si nous vivons ils nous tuent. Il n’y a pas de place pour nous dans le monde du pouvoir. Si nous luttons ils nous tueront, mais ainsi nous nous ferons un monde où nous ayons tous notre place et puissions vivre tous sans la mort à la bouche. Ils veulent nous prendre la terre pour qu’il n’y ait plus de sol pour nos pas. Ils veulent nous voler l’histoire pour que l’oubli étouffe notre parole. Ils ne veulent pas de nous indiens. Ils nous veulent morts.
Pour le puissant, notre silence était son désir. En silence nous mourions, sans parole, nous n’existions pas. Nous avons lutté pour parler contre l’oubli, contre la mort, pour la mémoire et pour la vie. Nous luttons par peur de mourir la mort de l’oubli.
Parlant de son coeur indien, la Patrie retrouve dignité et mémoire.

- I -

Frères :
Le 1er janvier 1995, après avoir rompu l’encerclement militaire par lequel le mauvais gouvernement prétendait nous enfouir dans l’oubli et nous épuiser, nous avons appelé les différentes forces et citoyens à construire un ample front d’opposition qui unisse les volontés démocratiques contre le système de parti d’État : le Mouvement pour la Libération Nationale. Bien qu’à ses débuts cet effort d’unité oppositionnelle ait rencontré bon nombre de problèmes, il s’est poursuivi dans la pensée des hommes et des femmes qui ne se satisfont pas de voir leur patrie livrée aux décisions du pouvoir et de l’argent étrangers. L’ample front d’opposition, après avoir suivi une route pleine de difficultés, incompréhensions et reculs, est sur le point de concrétiser ses premiers projets et accords d’action conjointe. Le long processus de maturation de cet effort d’organisation devra atteindre sa plénitude au cours de l’année qui commence. Nous, les zapatistes, saluons la naissance du Mouvement pour la Libération Nationale et désirons qu’entre ceux qui en fassent partie existe toujours la volonté d’unité et le respect des différences.
Le dialogue était renoué avec le gouvernement suprême quand fut trahie la bonne volonté de l’EZLN dans la recherche d’une issue politique à la guerre commencée en 1994 . Feignant de vouloir le dialogue, le mauvais gouvernement choisit lâchement la solution militaire et, avec des arguments maladroits et stupides, déclencha une grande persécution politique et militaire dont l’objectif suprême était l’assassinat de la direction de l’EZLN. Les forces armées rebelles de l’EZLN résistèrent avec sérénité au coup de force de dizaines de milliers de soldats qui prétendaient, avec les conseils de l’étranger et toute leur machinerie de mort moderne, noyer le cri de dignité qui surgissait des montagnes du Sud-Est Mexicain. Un repli ordonné permit aux forces zapatistes de conserver leur puissance militaire, leur autorité morale, leur force politique et la raison historique qui est leur arme principale contre le crime fait gouvernement. Les grandes mobilisations de la société civile nationale et internationale ont arrêté l’offensive traîtresse et obligé le gouvernement à revenir à la voie du dialogue et la négociation. Des dizaines de civils innocents furent emprisonnés par le mauvais gouvernement et sont aujourd’hui encore emprisonnées, comme otages des terroristes qui nous gouvernent. Les forces fédérales n’ont eu d’autres victoires militaires que la destruction d’une bibliothèque, d’une salle de réunions culturelles et d’une piste de danse et le pillage des maigres biens des indiens de la forêt Lacandone. Le gouvernement couvrit d’un mensonge la tentative d’assassinat, avec la mascarade de la "récupération de la souveraineté nationale".
Oublieux de l’article 39 de la Constitution qu’il a jurée de défendre le 1erdécembre 1994, le gouvernement suprême a réduit l’Armée Fédérale Mexicaine au niveau d’une armée d’occupation, lui a assigné la tâche de sauvegarder le crime organisé fait gouvernement et a voulu la lancer contre ses frères mexicains.
Pendant ce temps, la véritable perte de la souveraineté nationale se concrétisait en pactes secrets et publics du cabinet économique avec les maîtres de l’argent et les gouvernements étrangers. Aujourd’hui, alors que des dizaines de milliers de soldats fédéraux agressent et harcèlent un peuple armé de fusils de bois et de mots de dignité, les plus hauts gouvernants achèvent de vendre les richesses de la grande nation mexicaine et finissent de détruire le peu qui reste debout.
À peine commencé le dialogue auquel la société civile nationale et internationale l’obligeait, la délégation gouvernementale eut l’occasion de montrer clairement ses véritables intentions dans la négociation de la paix. Les néo-conquistadors d’indiens qui dirigent l’équipe de négociation du gouvernement se distinguent par leur attitude arrogante, superbe, raciste et humiliante qui a mené d’échec en échec les diverses réunions du dialogue de San Andrés. Pariant sur la fatigue et l’usure des zapatistes, la délégation gouvernementale s’efforça de son mieux d’obtenir la rupture du dialogue, sûre qu’elle aurait alors des arguments pour recourir à la force et obtenir ainsi ce qu’il était impossible d’obtenir par la raison.
Voyant que le gouvernement refusait une approche sérieuse du conflit national que représente la guerre, l’EZLN prit une initiative de paix pour débloquer le dialogue et la négociation. Appelant la société civile à un dialogue national et international pour la recherche d’une paix nouvelle, l’EZLN convoqua la Consultation pour la Paix et la démocratie, pour entendre la pensée nationale et internationale sur ses demandes et son avenir.
Avec la participation enthousiaste des membres de la Convention Nationale Démocratique, le dévouement désintéressé de milliers de citoyens sans organisation mais anxieux de démocratie, la mobilisation des comités de soutien internationaux et des groupes de jeunes, et l’aide irréprochable des frères et soeurs d’Alianza Cívica Nacional, les mois d’août et septembre 1995 virent se dérouler un exercice de citoyenneté sans précédents dans l’histoire mondiale : une société civile et pacifique qui dialoguait avec un groupe armé et clandestin. Plus d’un million trois cent mille dialogues se réalisèrent pour faire de cette rencontre de volontés démocratiques une vérité. À l’issue de cette consultation, la légitimité des revendications zapatistes se vit ratifiée, l’ample front d’opposition, qui était en panne, reçut une nouvelle impulsion, et le désir s’exprima clairement de voir les zapatistes participer à la vie politique civile du pays. La grande participation de la société civile internationale attira l’attention sur la nécessité de construire des espaces de rencontre entre les volontés de changement démocratique qui existent dans différents pays. L’EZLN prit au sérieux les résultats de ce dialogue national et international et commença les travaux politiques et d’organisation nécessaires pour suivre le chemin qu’ils signalaient.
En réponse au succès de la Consultation pour la Paix et la Démocratie, les zapatistes ont lancé trois initiatives nouvelles. Une initiative internationale, qui appelle à réaliser une rencontre internationale contre le néolibéralisme. Deux initiatives sont de caractère national : la formation de comités civils de dialogue comme base de discussion des principaux problèmes nationaux et germe d’une nouvelle force politique non partidiste ; et la construction de nouveaux Aguascalientes, lieux de rencontre entre la société civile et le zapatisme.
Trois mois après ces trois initiatives, la convocation à la rencontre internationale pour l’humanité et contre le néolibéralisme est sur le point d’être lancée ; plus de 200 comités civils de dialogue se sont formés dans toute la République mexicaine et, aujourd’hui même, s’inaugurent 5 nouveaux Aguascalientes : un dans la communauté de La Garrucha, un autre à Oventic, un à Morelia, un à La Realidad, et le dernier, et premier, dans le coeur de tous les hommes et femmes honnêtes qui se trouvent au monde.
Au milieu des menaces et des carences, les communautés indiennes zapatistes et la société civile sont parvenues à édifier ces centres de résistance civile et pacifique qui seront des lieux de défense de la culture mexicaine et mondiale.
Le Nouveau Dialogue National a passé son premier essai à l’occasion de la "Table 1" du Dialogue de San Andrés. Tandis que le gouvernement révélait son ignorance des habitants originaires de ces terres, les conseillers et invités de l’EZLN jetaient les bases d’un dialogue si riche et si neuf qu’il dépassa immédiatement l’étroit réduit de San Andrés et se situa à sa place véritable : la nation. Les indiens mexicains, ceux qu’on a toujours obligé à écouter, à obéir, à accepter, à se résigner, prirent la parole et dirent la sagesse qui marche dans leurs pas. L’image de l’indien ignorant, pusillanime et ridicule, l’image que le pouvoir avait décrétée pour la consommation nationale, vola en éclats et l’orgueil et la dignité indiennes revinrent dans l’histoire pour y prendre la place qui leur revient : celle de citoyens pleins et entiers.
Indépendamment des résultats de la première négociation d’accords à San Andrés, le dialogue engagé par les différentes ethnies et leurs représentants va continuer dans le Forum National Indien, et aura le rythme et la portée que les indiens eux-mêmes voudront et décideront ensemble.
Sur la scène politique nationale, la redécouverte de la criminalité saliniste a ébranlé à nouveau le système de parti d’État. Les apologistes des contre-réformes salinistes, devenus amnésiques, sont maintenant les plus enthousiastes persécuteurs de celui à l’ombre duquel ils se sont enrichis. Le Parti Accion Nacional, le plus fidèle allié de Carlos Salinas de Gortari, a commencé à démontrer ses chances réelles de relever le PRI au sommet du pouvoir politique, et à montrer sa vocation de répression, d’intolérance et de réaction. Ceux qui voient avec espoir la montée du néopanisme oublient que la relève d’une dictature n’est pas nécessairement la démocratie, et applaudissent la nouvelle inquisition qui, avec sa grimace démocratique, finira par sanctionner dans la répression et l’hypocrisie les derniers soubresauts d’un pays qui fut l’étonnement du monde et n’est plus source que de scandales et rebondissements policiers. Les constantes, dans l’exercice du gouvernement, ont été la répression et l’impunité ; les massacres d’indiens dans les États du Guerrero, de Oaxaca, dans la Huastèque, ratifient la politique gouvernementale face aux indiens. ; l’autoritarisme de l’UNAM face au mouvement des CCH démontre la route de corruption qui mène de l’université à la politique. ; l’arrestation de dirigeants d’El Barzón est un exemple de plus de la trahison érigé en méthode de dialogue ; les bestialitÈs du Régent Espinosa testent le fascisme de rue à Mexico ; les réformes à la Loi de la Sécurité Sociale confirment la démocratisation de la misère et l’appui à la banque privatisée assure la vocation d’unité entre le pouvoir et l’argent. ; les crimes politiques sont insolubles parce qu’ils viennent de ceux qui disent les poursuivre ; la crise économique rend plus insultante encore la corruption des sphères gouvernementales. Gouvernement et crime sont, aujourd’hui, synonymes et équivalents.
Tandis que l’opposition véritable s’efforce pour trouver le centre dans une nation moribonde, de larges couches de la population renforcent leur scepticisme face aux partis politiques et cherchent, sans la trouver encore, une option d’action politique nouvelle, une organisation politique de type nouveau.
Comme une étoile, l’héroïque et digne résistance des communautés indiennes zapatistes a illuminé l’année 95 et écrit une belle leçon dans l’histoire du Mexique. À Tepoztlán, avec les travailleurs de Sutaur-100, avec El BarzÛn, pour mentionner quelques lieux et mouvements, la résistance populaire a trouvé de dignes représentants.
En somme, l’année 1995 s’est caractérisée par la définition de deux projets de nation complètement différents et contradictoires.
D’un côté, le projet de pays qui détient le pouvoir, un projet qui implique la destruction totale de la nation mexicaine ; la négation de son histoire ; la vente de sa souveraineté ; la trahison et le crime comme valeurs suprêmes ; l’hypocrisie et la tromperie comme méthode de gouvernement ; la déstabilisation et l’insécurité comme programme national, et la répression et l’intolérance comme plan de développement. Ce projet trouve dans le PRI sa face criminelle et dans le PAN sa mascarade démocratique. De l’autre côté, le projet de la transition à la démocratie, non par un pacte de transition avec le pouvoir qui feindrait un changement pour que rien ne change, mais la transition à la démocratie comme projet de reconstruction du pays ; la défense de la souveraineté nationale ; la justice et l’espoir comme aspirations ; la vérité et le commandement qui obéit comme règles de direction ; la stabilité et la sécurité que donnent la démocratie et la liberté ; le dialogue, la tolérance et l’inclusion comme nouvelle façon de faire de la politique.
Ce projet est en train de naître et il n’appartiendra ni à une force politique hégémonique ni au génie d’un individu, mais à un ample mouvement d’opposition qui recueille les sentiments de la nation. Nous sommes au milieu d’une grande guerre qui a secoué le Mexique de la fin du XXe siècle. La guerre entre ceux qui prétendent perpétuer un régime social, culturel et politique qui équivaut au délit de trahison de la patrie, et ceux qui luttent pour un changement démocratique, libre et juste. La guerre zapatiste n’est qu’une partie de cette grande guerre qui est la lutte entre la mémoire qui aspire à l’avenir et l’oubli à vocation étrangère.
Une nouvelle société plurielle, tolérante, incluante, démocratique, juste et libre n’est possible, aujourd’hui, que dans une patrie nouvelle. Le pouvoir n’en sera pas le constructeur. Le pouvoir n’est désormais que l’agent de vente des décombres d’un pays détruit par les véritables subversifs et déstabilisateurs : les gouvernants.
Les projets d’opposition indépendante souffrent d’une carence qui devient, aujourd’hui, plus décisive : nous nous opposons à un projet de pays qui implique sa destruction, mais nous manquons de la proposition d’une nouvelle nation, une proposition de reconstruction. Dans l’effort pour la transition à la démocratie, l’EZLN a été et reste une partie, non e tout ni l’avant-garde. En dépit des persécutions et des menaces, par-delà les tromperies et les mensonges, forte de sa légitimité et de sa cohérence, l’EZLN poursuit sa lutte pour la démocratie, la liberté et la justice pour tous les mexicains.
Aujourd’hui, la lutte pour la démocratie, la liberté et la justice au Mexique est une lutte pour la libération nationale.

-II-

Aujourd’hui, avec le coeur d’Emiliano Zapata, et après avoir écouté la voix de tous nos frères, nous appelons le peuple du Mexique à participer à une nouvelle étape de la lutte pour la libération nationale et la construction d’une nouvelle patrie, par cette...

Quatrième Déclaration de la Forêt Lacandone

par laquelle nous appelons tous les hommes et femmes honnêtes à participer à la nouvelle force politique nationale qui naît aujourd’hui : le Front Zapatiste de Libération Nationale, organisation civile et pacifique, indépendante et démocratique, mexicaine et nationale, qui lutte pour la démocratie, la liberté et la justice au Mexique. Le Front Zapatiste de Libération Nationale naît aujourd’hui et nous invitons à y participer les ouvriers de la République, les travailleurs de la campagne et de la ville, les indiens, les habitants des quartiers, les professeurs et les étudiants, les femmes mexicaines, les jeunes de tout le pays, les artistes et intellectuels honnêtes, les religieux conséquents, tous les citoyens mexicains qui veulent comme nous, non le pouvoir, mais la démocratie, la liberté et la justice pour nous et nos enfants.
Nous invitons la société civile, les sans-parti, le mouvement social et citoyen, tous les mexicains, à construire une nouvelle force politique. Une nouvelle force politique qui soit nationale. Une nouvelle force politique fondée sur l’EZLN.
Une nouvelle force politique qui participe d’un ample mouvement d’opposition, le Mouvement pour la Libération Nationale, lieu d’action politique citoyenne où confluent d’autres forces politiques d’opposition indépendante, espace de rencontre des volontés et de coordination des actions unitaires.
Une force politique dont les intégrants n’exercent, et n’aspirent à exercer, aucune charge d’élu ni aucun poste gouvernemental à aucun niveau. Une force politique qui n’aspire pas à la prise du pouvoir. Une force qui ne soit pas un parti politique.
Une force politique qui puisse organiser les demandes et propositions des citoyens pour que celui qui dirige, dirige en obéissant. Une force politique qui puisse organiser la solution des problèmes collectifs même sans l’intervention des partis politiques et du gouvernement. Pour être libres, pas besoin de demander la permission . La fonction de gouverner est prÈrogative de la société et exercer cette fonction est son droit. Une force politique qui lutte contre la concentration de la richesse entre quelques mains et contre la centralisation du pouvoir. Une force politique dont les membres n’aient pas d’autres privilèges que la satisfaction du devoir accompli.
Une force politique organisée localement, par État et régionalement, qui grandisse à partir de la base, à partir de son support social. Une force politique née des comités civils de dialogue.
Une force politique qui se nomme Front parce qu’elle tente d’intégrer des efforts d’organisation non partidaires, a beaucoup de niveaux distincts de participation et beaucoup de formes de lutte.
Une force politique qui se nomme Zapatiste parce qu’elle naît avec l’espoir et le coeur indiens qui, avec l’EZLN, sont redescendus des montagnes mexicaines.
Une force politique qui se nomme De Libération Nationale parce qu’elle lutte pour la liberté de tous les mexicains et dans tout le pays.
Une force politique avec le programme de lutte des 13 points, ceux de laPremière Déclaration de la Forêt Lacandone, enrichis au long de deux années d’insurrection. Une force politique qui lutte contre le système de parti d’État. Une force politique qui lutte pour la démocratie en tout, et pas seulement pour les élections. Une force politique qui lutte pour une nouvelle Constituante et une nouvelle Constitution. Une force politique qui lutte pour qu’il y ait partout justice, liberté et démocratie. Une force politique qui ne lutte pas pour la prise du pouvoir politique mais pour la démocratie, celle où qui dirige, dirige en obéissant.
Nous appelons tous les hommes et les femmes du Mexique, les indiens et les non indiens, toutes les races qui forment la nation ; tous ceux qui sont d’accord pour lutter pour le droit à : un toit, la terre, le travail, le pain, la santé, l’éducation, l’information, la culture, l’indépendance, la démocratie, la justice, la liberté, la paix ; tous ceux qui comprennent que le système de parti d’État est l’obstacle principal à la transition à la démocratie au Mexique ; tous ceux qui savent que démocratie ne veut pas dire alternance au pouvoir mais gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ; tous ceux qui sont d’accord pour que se fasse une nouvelle Constitution qui incorpore les principales demandes du peuple mexicain et les garanties de l’application de l’article 39 à travers les figures du plébiscite et du référendum ; tous ceux qui n’aspirent ni ne prétendent à exercer des postes publics ou d’élus ; tous ceux qui ont le coeur, la volonté et la pensée du côté gauche de la poitrine ; tous ceux qui veulent cesser d’être spectateurs et sont prêts à n’avoir aucun salaire ni privilège, si ce n’est leur participation à la reconstruction nationale ; tous ceux qui veulent construire quelque chose de nouveau et de bon, pour qu’ils forment le Front Zapatiste de Libération Nationale.
Avec l’unité organisée des zapatistes civils et des combattants zapatistes dans le Front Zapatiste de Libération Nationale, la lutte commencée le 1er janvier 1994 entrera dans une nouvelle étape. L’EZLN ne disparaît pas, mais son effort se concentrera sur la lutte politique. Le moment et les conditions venues, l’EZLN participera directement à la formation du Front Zapatiste de Libération Nationale.
Aujourd’hui, 1er janvier 1996, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale signe cette Quatrième Déclaration de la Forêt Lacandone. Nous invitons le peuple du Mexique à la contresigner.

-III-

Frères,
Beaucoup de mots marchent dans le monde. Beaucoup de mondes se font. Beaucoup de mondes nous font Il y a des mots et des mondes qui sont mensonges et injustices. Il y a des mots et des mondes qui sont vérités et véritables. Nous faisons des mondes véritables. Nous sommes faits par des mots véridiques.
Dans le monde du puissant, il n’y a place que pour les grands et leurs serviteurs. Dans le monde que nous voulons, il y a place pour tous.
Le monde que nous voulons est fait de beaucoup de mondes, tous y ont place. Dans la Patrie que nous construisons, il y a place pour tous les peuples et leurs langues, que tous les pas y marchent, que tous les rires la rient, que tous soient son aurore.
Nous disons l’unité, même quand nous nous taisons. Doucement et en pleuvant nous parlons les mots qui trouvent l’unité qui nous enlace dans l’histoire, pour rejeter l’oubli qui nous sépare et détruit.
Notre parole, notre chant et notre cri, montent pour que ne meurent plus les morts. Pour qu’ils vivent, nous luttons, pour qu’ils vivent, nous chantons.
Vive la parole. Vive le Ya Basta ! Vive la nuit qui se fait matin. Vive notre digne pas avec ceux, tous, qui pleurent. Pour détruire l’horloge de mort du puissant, nous luttons. Pour un nouveau temps de vie.
La fleur de la parole ne meurt pas, même si nos pas marchent en silence. La parole, en silence, se sème. Pour qu’elle fleurisse en cris elle se tait. La parole se fait soldat pour ne pas mourir dans l’oubli. Pour vivre meurt la parole, semée pour toujours dans le ventre du monde. À naître et vivre, nous mourons. Nous vivrons toujours. Seuls ceux qui livrent leur histoire retourneront à l’oubli.
Nous sommes toujours là. Nous ne nous rendons pas. Zapata est vivant et, en dépit de tout, la lutte continue.
Depuis les montagnes du sud-est mexicain
CCRI-CG de l’EZLN
Mexique, 1er janvier 1996.